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Rassurer les passagers pour relancer le transport aérien

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L'IATA a publié le 7 juillet une étude sur la volonté des voyageurs de reprendre l'avion. Celle-ci montre que la peur d'être contaminé par le covid-19 durant son voyage reste très forte, avec pour conséquence que la moitié des personnes interrogées envisagent d'attendre six à douze mois avant de remonter dans un avion et que les deux tiers pensent voyager moins fréquemment à l'avenir. « La confiance des passagers ne se regagnera pas du jour au lendemain », a commenté Alexandre de Juniac, son directeur général. Pourtant, le secteur travaille sur ce sujet depuis les premiers jours de la pandémie...

Depuis plusieurs semaines, les institutions internationales de l'aérien oeuvrent pour tenter de coordonner la reprise du trafic, de manière à ce que les passagers puissent de nouveau voyager en s'appuyant sur des consignes claires et harmonisées de sécurité sanitaire. Ainsi, l'OACI et l'EASA ont publié des propositions de mesures à prendre à chaque étape du voyage, depuis sa préparation jusqu'à ce que le passager quitte l'aéroport. Toutes ces précautions n'ont qu'un seul objectif : garantir au voyageur qu'il ne peut pas tomber malade en se déplaçant et restaurer sa confiance afin que le transport aérien puisse redécoller.

Selon l'agence européenne, le premier impératif reste de rappeler en permanence les gestes barrière : lavage des mains, respect de la distanciation sociale (facilitée par des marquages au sol et l'utilisation de panneaux de protection en guichet), port du masque... La responsabilité du passager est donc un facteur majeur de la prévention et Olivier Jankovec, président de l'ACI Europe, confirme qu'il va falloir que le secteur communique beaucoup sur « l'étiquette » à adopter.

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© Aéroport Montréal-Trudeau

 

L'harmonisation des mesures, clef de la restauration de la confiance

C'est une inquiétude qui avait été très tôt soulevée par l'IATA : sans une approche collaborative de toute l'industrie, le secteur de l'aérien risque de se retrouver dans le même cas de figure qu'après les attentats du 11 Septembre, avec une pléthore de règles différentes selon les pays qui induisent confusion, complexité, qui augmentent les coûts mais entretiennent également la peur chez le passager. C'est pourquoi l'EASA a rapidement élaboré un protocole sanitaire qu'elle a soumis aux acteurs européens. Il a à ce jour été adopté par une quarantaine d'entités.

On constate néanmoins que des initiatives individuelles sont tout de même prises, comme en Italie où les bagages cabine ont été interdits. Certains pays ont également imposé une période de quarantaine, mesure que l'IATA considère comme destructrice et pouvant avantageusement être remplacée par les scanners thermiques en aéroport (qui contribuent à rassurer 80% des voyageurs) mais aussi par des tests validés par des autorités indépendantes et réalisés avant le voyage - pour éviter la congestion en aéroport voire la contamination.

Une approche à plusieurs couches en aéroport...

En aéroport, l'une des premières mesures adoptées a été l'installation de scanners thermiques capables de déterminer si un passager a de la fièvre. Dispositif largement répandu en Asie, il a été déployé en urgence en Europe lorsque l'épidémie de covid-19 a éclaté. Ivan Bassato, directeur Airport Management d'Aeroporti di Roma, témoigne ainsi que ses plateformes en ont installé dès février, avant la circulation du virus en Italie. Aujourd'hui, 80 sont en service, de différentes technologies et à différents points critiques du passage en aéroport. « Cela fonctionne bien mais ce ne peut pas être la seule solution car cela ne détecte que les passagers qui ont déjà des symptômes. »

Le respect de la distanciation sociale est au coeur des problématiques des aéroports. « Le principe est facile à faire respecter aujourd'hui mais dès la première phase de la reprise ce sera plus compliqué. Les aéroports ne sont pas conçus pour ça. Il n'y a pas qu'une dimension d'espace à prendre en compte mais aussi une dimension de temps. Il y aura toujours un problème de temps passé au même endroit, d'interaction au contrôle aux frontières, à l'inspection, trop de choses à toucher. Il faut trouver des mesures : des technologies qui permettent de ne pas sortir toutes ses affaires à l'inspection, la désinfection des bacs... Nous avons entre trois et six mois pour tout mettre en place, pas plus. »

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Désormais, certains agents des aéroports de Rome portent des Smart Helmet, dotés d'un scanner thermique portable © Aeroporti di Roma

 

Philippe Rainville, directeur de l'aéroport de Montréal, estime lui aussi qu'il « faut repenser complètement l'organisation des aéroports. Commencer le processus à la maison : s'enregistrer, réserver son stationnement, réserver son repas en aérogare, imprimer tag bagage. Posera des questions avant l'entrée dans le terminal, prendre la température, rendre le port du masque obligatoire. Car la distanciation sera très difficile à faire respecter. » Les autres piliers de la prévention sont donc essentiels et vont perdurer : nettoyage plus minutieux des conduits de ventilation, désinfection des bacs à l'inspection bagage, test de la désinfection par UVC.

Qu'il s'agisse des aéroports où des fournisseurs de solutions technologiques comme SITA, Thales ou Collins Aerospace (lire l'entretien avec Tony Chapman, directeur Global Product Management and Strategy, Information Management Services de Collins Aerospace, sur les solutions en aéroport), tous pensent que la technologie est au centre de la stratégie pour répondre aux défis de la période post-épidémie. Aeroporti di Roma a mis en place des équipes spécifiques pour travailler sur les nouvelles technologies et procédures, notamment le développement du sans contact, la surveillance du remplissage de l'aéroport ou la biométrie. « Le parcours en aéroport va être plus compliqué, pas en 2020 mais en 2021 », estime Philippe Rainville. « Mais les innovations technologiques vont le rendre plus agréable, malgré la multiplication des contrôles, et c'est pourquoi nous aurons facilement le concours des passagers pour leur mise en place. »

SITA voit déjà un changement au niveau de l'intérêt des aéroports. « Avant la crise, nous pensions que nos technologies seraient déployées en plusieurs années. Aujourd'hui, nous pensons qu'il va falloir équiper des centaines d'aéroports en quelques mois pour les rendre sans contact », explique Sébastien Fabre, vice-présent Airline & Airport, ajoutant que « l'idée est que le passager aura confiance en son téléphone portable et ne voudra rien toucher d'autre dans l'aéroport ». Gestion des flux dans les terminaux, reconnaissance faciale ou services aéroportuaires contrôlables depuis son mobile, « la technologie est au coeur de la solution mais elle n'est pas un problème : elle existe, elle fonctionne. Il faut s'organiser : déterminer où on l'utilise et comment on l'intègre dans les flux passagers. »

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© Collins Aerospace

 

... et à bord

Une fois passée l'étape de l'aéroport, arrive celle du vol. Compagnies aériennes et constructeurs ont très vite beaucoup communiqué sur la circulation de l'air en cabine, du haut vers le bas, et sa filtration à travers des filtres HEPA, similaires à ceux présents dans les blocs opératoires à l'hôpital. Les compagnies sont tout de même de plus en plus nombreuses à imposer le port du masque à bord - quand ce n'est pas celui de la visière comme chez Qatar Airways.

Le nettoyage considérablement renforcé des avions a également tout de suite un grand sujet de leur communication. De nouveaux produits sont désormais à l'étude comme TiTANO d'Hecosol chez Lufthansa Technik. En parallèle, certaines ont adapté les trousses distribuées à bord pour y inclure des produits d'hygiène spécifiques, les magazines ont été digitalisés et le service à bord a été très allégé afin de limiter les interactions et les contacts.

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© Qatar Airways

 

Divers concepts d'écrans transparents ou non à intégrer aux sièges au niveau de la tête pour mieux séparer les passagers assis côte à côte ont également fleuri. Alors que les compagnies estiment que la contamination à bord est peu probable puisque tous les passagers regardent dans le même sens, ils pourraient rassurer les voyageurs et permettre d'éviter que le principe de laisser vacant le siège du milieu ne devienne pérenne ou que la décision de remplir à nouveau les avions au maximum ne déclenche un tollé comme cela a été le cas aux Etats-Unis quand American Airlines a annoncé la remise en vente de tous ses sièges.

D'autres innovations ont été présentées pour rendre certaines actions aussi « sans contact » que possible, par exemple des éléments contrôlables au pied ou par infrarouge, des distributeurs sans contact de gel hydro alcoolique (aux toilettes ou dans les galleys)... La désinfection des cabinets de toilette par UV connaît également un regain d'intérêt, une solution présentée par Boeing il y a quelques années et qui est désormais également à l'étude chez d'autres prestataires comme Lufthansa Technik. Les sociétés de maintenance se penchent en effet elles aussi sur « des systèmes embarqués pour décontaminer les avions, comme la décontamination des toilettes après chaque passager mais pas seulement », indique Sylvain Savard, président d'Avianor.